#2 – Arnaud Lallement – Chef trois étoiles de l’Assiette Champenoise

Bonjour à tous et bienvenue pour ce nouvel épisode des « Nouveaux Explorateurs » le podcast qui part à la rencontre de personnalités issues du monde du vin, de la gastronomie et de la mode. Pour ce nouvel épisode des Nouveaux Explorateurs, j’ai choisi d’interviewer Arnaud Lallement, chef et aubergiste de l’Assiette Champenoise. Si vous êtes fan de gastronomie, vous connaissez sûrement ce chef étoilé dont le parcours est juste hallucinant.

#2 - ARNAUD LALLEMENT - CHEF TROIS ÉTOILES

Depuis le début des années 2000, Arnaud et sa famille enchaînent les récompenses. Une première étoile au Guide Michelin en 2001, une seconde en 2005 et enfin la consécration en 2014 avec la troisième étoile et le statut de chef de l’année. Mais l’Assiette Champenoise, c’est également un palmarès impressionnant avec 5 toques et une note de 19,5 au Gault Et Millau, classé parmi les 20 meilleurs restaurants au monde en 2019 par La Liste … Pas besoin d’en dire plus pour vous faire comprendre qu’Arnaud Lallement est un bourreau de travail et un passionné.

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J’espère que cet épisode des Nouveaux Explorateurs vous plaira. Bonne écoute !

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POUR CONTACTER ARNAUD LALLEMENT

POUR SUIVRE ARNAUD LALLEMENT ET L'ASSIETTE CHAMPENOISE

LES PERSONNALITÉS CITÉES PAR ARNAUD LALLEMENT

  • Alain Chapel (1937 – 1990) – Chef étoilé et propriétaire du restaurant « La Mère Charles »
  • Michel Guérard (1933) : Chef étoilé et propriétaire de l’hôtel-restaurant « Les Prés d’Eugénie »
  • Roger Verger (1930 – 2015) : Chef étoilé et propriétaire du Moulin de Mougind
  • Paul Bocuse (1921 – 2018) : élu Cuisinier du siècle et Pape de la gastronomie
  • Pierre Troigros (1928 – 2020) : Chef étoilé et propriétaire du restaurant « Frères Troigros »

LES MARQUES DE VINS CITÉES PAR ANSELME SÉLOSSE

Champagne Savart - Recommandation vigneron Arnaud Lallement - Podcast Nouveaux Explorateurs - Agence Discovery
Champagne Savart
Champagne La Closerie - Recommandation vigneron Anselme Selosse - Podcast Nouveaux Explorateurs - Agence Discovery
Champagne La Closerie
Champagne Bérèche - Recommandation vigneron Arnaud Lallement - Podcast Nouveaux Explorateurs - Agence Discovery
Champagne Bérèche
Champagne Chartogne Taillet - Recommandation vigneron Anselme Selosse - Podcast Nouveaux Explorateurs - Agence Discovery
Champagne Chartogne-Taillet

LA SUGGESTION DE LECTURE D'ARNAUD LALLEMENT

Mémoires de chefs - Nicolas Chatenier - Editions Textuel
Mémoires de Chefs - Nicolas Chatenier
Extrait Mémoires de chefs - Nicolas Chatenier - Editions Textuel
Extrait de Mémoires de Chefs - Nicolas Chatenier

L'INTERVIEW D'ARNAUD LALLEMENT

Bonjour Arnaud,

Merci beaucoup de me recevoir aujourd'hui pour le nouveau podcast des Nouveaux Explorateurs. On est actuellement dans le restaurant « l'Assiette Champenoise » à Tinqueux. Lorsque je faisais la liste des invités du podcast, en tant que Rémois, c’était obligatoire pour moi de vous compter parmi les invités. Vous avez plusieurs dizaines d'années de carrière derrière vous. Vous faites partie des références de la cuisine française avec un parcours énorme en cuisine. Reconnu par vos pairs.

J’ai fait une rapide présentation dans le début du podcast pour vous présenter, très succincte. Pour les personnes qui nous écoutent et qui vous connaissent moins, est-ce que vous pourriez vous présenter et expliquer très succinctement, ou en tout cas, résumer un peu votre parcours en cuisine en tant que Chef ?

Bonjour, donc je m’appelle Arnaud Lallement. Je suis chef et propriétaire du restaurant « l’Assiette Champenoise » à Reims. Je suis la deuxième génération. Mes parents ont créé cette maison-là en 1975. Un premier restaurant dans un petit village à 15 km de Reims, à Châlons-sur-Vesle qui s’appelait déjà « L’Assiette Champenoise ». En 1987, ils sont venus s’installer où on se trouve. En 1997, je les ai rejoint. J’ai perdu Papa beaucoup trop jeune, parce que c’était en 2002, à l’âge de 50 ans et du coup, j’ai à ce moment-là, avec ma femme, maman et ma sœur, on a continué cette belle aventure de la maison et on a gagné la deuxième étoile, puis la troisième étoile.

Parce qu’en 2001, on avait envie de gagner la première étoile avec papa. Et du coup, 2005 : la deuxième étoile. 2014, la troisième étoile. C’est une super aventure, mais cette super aventure, je la dois aussi à la Champagne et aux Champenois. Parce que la Champagne, elle est ce qu’elle est aujourd’hui, grâce au champagne et grâce aux Champenois. Et moi, je fais partie intégrante de cet univers-là. Donc je la dois, cette aventure, je la dois, comme je le dis souvent, à la Champagne, au champagne et aux Champenois. 

Il y a une première partie qui m'intéresse beaucoup sur votre parcours et une question assez précise. Il y a beaucoup de monde qui travaille dans la restauration. Il y a beaucoup d’appelé.e.s pour peu d’élus, surtout dans le domaine des étoilés. Est-ce qu'on se lève un matin en se disant plus tard, je serai chef trois étoiles ou est-ce que c'est un cheminement dans la cuisine ?

En tant que fils de restaurateur, j’ai déjà une phrase toujours magique. Je raconte à tout le monde, c’est : je suis fils de restaurateur et puis enfant des guides. Donc, c’est ça qui reste toujours assez magique. Comme je m’amuse toujours à dire : fils de restaurateur et enfant des guides. On ne se lève pas un matin en se disant « Je veux devenir cuisinier, puis j’aurai plein d’étoiles » ou quoi que ce soit. C’est que depuis l’âge de 5 ans, j’ai envie d’être cuisinier. Puis j’ai envie de gagner un maximum d’étoiles. Ça reste une passion, c’est un mode de vie, ce n’est pas un travail.

C’est pas… c’est pas réellement un but de vie. C’est plutôt un mode de vie. C’est quelque chose que je vis au jour le jour, pleinement. Et je fais hurler tout mon entourage souvent quand je dis « J’ai 46 ans, je n’ai pas encore commencé à travailler. Il faudrait peut-être que j’y pense un jour. ». Parce que, ouais, c’est quelque chose de passionnant, quoi. C’est tout. C’est comme un sportif de haut niveau. Il ne va pas s’entraîner à faire le 400 mètres haies, comme s’il allait au travail. Il le fait par passion, par challenge, par envie d’y arriver. Et puis, je pense que quand on est cuisinier à ce niveau-là, on le fait par passion, par motivation, par challenge… pour vouloir faire plaisir, pour pouvoir cuisiner, pour les personnes.

On vit une année qui est dure en ce moment, par exemple. On nous demande d’arrêter de travailler, on nous demande de redémarrer. On nous dit « Vous pouvez plus, fermez vos restaurants. Ouvrez-les que de telle heure, à telle heure. Faites pas si, faites pas ça ». On vit un moment qui est dur, mais moi la seule chose que j’ai envie de crier haut et fort, c’est « Mais laissez-moi cuisiner quoi, laissez-moi cuisiner ». C’est la seule chose qui m’importe aujourd’hui.

Et je ne m’en étais jamais rendu compte depuis 25 ans que je cuisine. Mais là, je me suis aperçu que de nous empêcher de cuisiner… Mais c’est catastrophique pour moi. Voilà donc, c’est un mode de vie.

Justement, par rapport à votre père, vous en parlez beaucoup dans les interviews. À un moment, dans l’adolescence, est-ce qu’on ne se dit pas « Je vais aller à contre-courant de ce qu'a fait mon père » ?

Non, même pas du tout. Après, chacun réagit différemment. Moi, j’étais en admiration devant mon père, devant ma mère. En admiration devant tout ce milieu-là et j’avais envie de l’intégrer. J’avais envie d’avancer dedans. J’avais envie de faire plein de choses pour ce milieu de la restauration et puis d’en faire partie quoi. Et d’en faire partie et puis de compter un petit peu, de raconter quelque chose, de créer quelque chose et donc.. non, non, surtout ne pas aller à contre-courant.

Ça, je me demandais parce que la restauration, on dit souvent qu’on vit restauration, on mange restauration, on dort restauration. Quand on est adolescent… En plus, vous avez grandi, comme vous le dites dans le monde de la restauration… C'est quoi l’adolescence ?

C’est un mode de vie qui tient de ça en fait. On logeait au-dessus du restaurant. Dans le premier restaurant de mes parents, on logeait au-dessus du restaurant. Dans le deuxième restaurant de mes parents, on logeait au-dessus du restaurant. À chaque fois, dans des vieilles maisons où vous imaginez bien que les planchers en bois ne sont pas étanches. On a toutes les odeur… donc on a toutes les odeurs qui remontent et je pense qu’à l’âge de 5-6 ans, je vivais déjà le service du soir. C’était un truc de dingue. Et je me rappelle dans le premier restaurant de mes parents, ils étaient fermés le dimanche soir et le mercredi. Mais le dimanche soir et le mercredi soir, c’était atroce pour moi. C’était la soirée…

Pourquoi ? 

Parce ce que j’allais me coucher… Quand j’étais gamin, j’allais me coucher vers 20h-20h30. Comme tous les enfants et tout. Et c’étaient les deux soirs où il n’y avait pas d’ambiance dans la maison. Je n’entendais pas les gens rire, je n’entendais pas les gens parler, je n’avais pas les odeurs qui remontaient, je n’entendais pas les portes claquer, les chaises bouger…

Dans une vieille maison à la campagne, vous avez votre chambre qui est pile-poil au-dessus de la cuisine, avec un plancher qui doit être épais de 20 cm. Un plancher en bois, en parquet, où il y a tout qui traverse. C’est comme si vous étiez en plein milieu de la cuisine. Et puis, il n’y a pas d’isolation, il n’y a pas d’isolation. Et cinq soirs par semaine, vous entendez le service se faire, votre père annoncer des commandes, votre mère réclamer des tables… C’était « Ça marche, ce soir deux menus surprises avec deux foies gras, deux homards, deux caviars, deux turbos et deux pigeons ». C’était ça toute la soirée, toute la nuit. Et arrive un moment, c’était maman qui était en cuisine et qui disait « Jean-Pierre, tu me feras marcher les deux pigeons de la 12 ». C’était ça toute la soirée. Et vous vivez cinq soirs par semaine et il y a deux soirs où vous vous couchez, il n’y a pas un bruit. L’angoisse, c’était l’angoisse !

Et je ne supporte pas, de ne pas avoir de bruit, quoi. Pour moi, c’est insupportable. J’ai toujours vécu ça et quand tu as 5, 6, 7 ans, vous vivez vos nuits à entendre parler de pigeons, de homards, de barbus, de turbos et ainsi de suite…

Je pense que ça vous marque et puis… C’est vrai que vous pouvez faire un total rejet ou une totale admiration. Et j’ai fait la totale admiration et puis j’ai foncé dedans.

Justement, ce côté.. enfin vous l’adolescence, c’était tout sauf les soirées avec les copains. C'était la famille ou aussi les amis ? Où les amis venaient ?

Moi, mon adolescence, ce n’était pas de soirée avec les copains, parce que mes parents travaillaient tous les soirs. Pas de soirée avec la famille, parce qu’ils travaillaient tous les soirs. Pas de soirée, enfin pas de sorties, parce qu’ils travaillent tous les soirs. Mais par contre, moi j’ai eu une adolescence où c’étaient, tous les soirs, tous les soirs, tous les soirs, des soirées au restaurant. Même si je dormais, comme j’étais baigné dedans, avec tous les bruits qui remontaient.

J’étais tout le temps baigné dedans. Voilà, pareil. Je rentrais de l’école, il était 5 heures. Il y avait encore les gens qui… encore dans le premier restaurant de mes parents, pour monter à notre appartement, il fallait traverser l’entrée qui servait de bar en même temps. Rentrer à cinq heures, il y a des gens plein le bar. Ils sont tous là en train de boire du champagne, en train de fumer le cigare et tout… Vous avez dix ans, vous êtes à l’école, vous avez une mauvaise note en dictée ou quoi que ce soit. Puis vous rentrez chez vous, puis vous voyez les gens qui sont habillés.

À l’époque, tous très bien habillés. Très apprêtés. On est vendredi, il est cinq heures. Ils sont au cigare avec des magnums de champagne et vous vous dites « Non, mais moi c’est le métier que je veux faire ! ». C’est la fête tous les jours. C’est un mode de vie. Et puis un jour, il y a quand même vos parents qui vous remettent les pieds sur terre en disant « Non, notre métier, c’est de servir ces convives-là. Ce n’est pas de vivre ça. Tu ne verras jamais ton père ou ta mère, installé au bar en train de fumer le cigare, en buvant un magnum de champagne. Donc, c’est les servir ».

Et tu réalises que d’être au service de ces convives-là, c’est la fête pour toi en fait. Parce que tu leur fais vivre quelque chose d’extraordinaire. Tu leur fais accéder à quelque chose d’extraordinaire. Tu partages quelque chose d’extraordinaire. Et c’est ce que j’avais envie. Moi, d’être au service de mes convives. C’est quelque chose de top.

Ça m'a surpris dans les différentes interventions que vous faites, un coup c’est « chef », un coup, c'est « aubergiste », « chef-restaurateur ». Pour moi qui travaille dans le métier du branding, de la création de marque, les mots ont vraiment une importance et un sens. Pourquoi ce terme d’aubergiste ? Pourquoi diversifier et parler de chef, d’aubergiste, de chef-restaurateur ?

« Chef » et « aubergiste », pour moi c’est très, très important. Le chef, c’est celui qui cuisine dans une auberge. Et une auberge pour moi, c’est un terme qui est super important. Parce que c’est également… Une auberge, c’est tenu par un monsieur, une dame, un couple et qui sont tout le temps présents dans leur maison. Ils sont là pour tout le temps accueillir leurs convives, partager avec leurs convives, cuisiner pour leurs convives, servir leurs convives, partager la cave avec leurs convives. C’est pour ça que ce terme d’aubergiste est important pour moi. Vous n’avez jamais vu une auberge sans aubergiste ?

Non.

Voilà, donc c’est pour ça que je suis aubergiste. Parce que je suis toujours présent dans ma maison et ça, c’est super important. Après, c’est toujours ce que je dis. Évidemment, on est une auberge du XXIe siècle. On est une auberge contemporaine. On est une auberge d’aujourd’hui.

Une auberge avec des étoiles, une auberge avec des notes, enfin des Étoiles au Michelin, dont trois. Avec des notes au Gault & Millau : 19/20 et puis cinq toques. Une auberge qui est un Relais & Châteaux. On a toutes ces distinctions. Mais ces distinctions, elles sont faites pour vous faire venir une première fois. Et pour vous faire revenir une deuxième fois, il faut que je sois la plus belle des auberges à vos yeux. Voilà, c’est tout ça. Donc, je suis chef, restaurateur, aubergiste. Je suis tout ça, parce que la première fois, vous venez dans un Relais et Châteaux qui a trois Étoiles Michelin. La deuxième fois, vous allez chez la famille Lallement qui est aubergiste.

J’ai eu l'occasion de venir manger chez vous une fois, c'était en 2015. Forcément, c'était il y a cinq ans, donc j’étais très impressionné par tout le cérémonial, très impressionné… C'est quoi justement l’expérience… Moi, j'appelle ça l’expérience utilisateur dans mon métier, mais l'expérience que vous proposez à votre clientèle ?

Déjà, c’est une expérience qui doit évoluer tous les jours. Ce que vous avez vécu en 2015 et ce que vous pourriez revivre aujourd’hui, il y a un univers entre les deux. Parce que c’est une expérience qui doit évoluer perpétuellement et puis tous les jours, tout le temps. Parce qu’elle évolue avec notre maturité. C’est une expérience que…Moi, je veux faire vivre exactement ce que j’ai dans le ventre et dans le cœur. Et ce que j’avais il y a 5 ans, 10 ans, 15 ans, dans le ventre et dans le cœur, ce n’est pas du tout ce que j’ai aujourd’hui. Il y a 5 ans, 10 ans, 15 ans, j’avais moins d’âge. Aujourd’hui, j’ai 46 ans. Je vois les choses encore différemment que quand j’en avais 40, 35, 30 et je pense que dans cinq ans je ferai encore différemment.

Moi, mon envie la plus présente, c’est d’avoir 55 ans pour voir comment je vais encore être mieux dans cette expérience-là pour mes convives. Parce que j’espère que je m’améliore au fur et à mesure du temps. Donc je me bats pour tout ça, et cette expérience-là, elle doit évoluer tous les jours. Aujourd’hui, on est dans – pour moi – dans une expérience, ou dans une année 2020 qui est quand même compliquée.

On doit encore être plus proche, tout le temps-là, tout le temps présent, au service de ses convives, avec cette gentillesse, avec cette empathie. À partir du moment où le convive arrive, on doit le prendre en main jusqu’au bout de son séjour chez nous.  Que ce soit un séjour de quatre heures ou un séjour de plusieurs jours, on doit le prendre en charge avec nous. L’accompagner du début jusqu’à la fin et lui faire vivre un maximum de choses.

Hier soir, j’étais en train de faire le tour de salle et là, j’ai une table qui me dit « Ça fait dix ans que je rêve de venir chez vous ». Je lui réponds « Vous avez eu raison d’attendre dix ans, on est peut-être meilleur qu’il y a dix ans. Donc vous avez eu raison ». Et puis, j’ai discuté avec eux, mais le monsieur était vraiment fan, vraiment fan. Fan de chefs, fan de gastronomie, fan de manger, fan des vins, fan de ce qu’on fait quoi. C’est beau ça.

Je suis toujours époustouflé quand j’ai ce genre de convive face à moi. Je repars en cuisine, je continue ce que j’ai à faire et tout et le maître d’hôtel vient me voir trois minutes après en me disant « Le monsieur et la dame de la six voudraient bien visiter la cuisine si c’est possible ». J’ai dit « Évidemment ». Ils sont venus en cuisine. On a encore partagé un moment pendant cinq minutes en cuisine. C’est l’expérience, elle est là aujourd’hui.

C’est que vous ne venez plus au restaurant. Vous ne venez plus à l’hôtel. Vous ne venez plus dans un trois étoiles ou dans un cinq toques au Gault & Millau ou trois étoiles Michelin. C’est que vous venez chez un ami qui va vous faire vivre toute sa vie. Voilà. On essaie d’être plus en plus axé là-dessus. Cette proximité, ce côté familial.

C'est de l'immersion en fait ? Avoir la chance d'aller en cuisine, on est vraiment dans cet aspect…tout sauf l'image guindée du grand restaurant. C'est le côté aubergiste, le côté accessible ?

Moi, la seule chose que je demande, c’est qu’on me laisse faire. C’est faire ma cuisine avec mon identité, mes produits, mes envies. Et à partir du moment où vous venez et puis que vous êtes ouvert à vouloir goûter toute ma cuisine. Après, le reste moi, je vous laisse voyager dans ma maison au fur et à mesure du temps.

En fait ce n’est pas de la cuisine que vous vendez, c'est plutôt de l’émotion ou du souvenir ?

Oui et ça pour moi, c’est super important. L’émotion, elle fait partie intégrante de ma vie. Il faut que j’arrive à faire passer quelque chose dans chaque plat, donc on est toujours en train de chercher, de se torturer la tête. Qu’est-ce qu’on peut rajouter comme pointe de gourmandise pour qu’on aille encore plus vite à l’émotion ?

Ça m’a beaucoup intéressé. Sur le site internet de l’Assiette Champenoise, j'ai vu un peu votre parcours avec les grands chefs, ceux avec qui vous avez travaillé. Pour juste les citer, vous me corrigez si je me trompe, « Verger », « Guérard », « Chapel ». J'ai creusé un petit peu. Donc le courant de la Nouvelle Cuisine.

Et vous dites justement que c’est « une cuisine travaillée sur l’acidité pour contrebalancer la douceur d'un produit ». Ce côté épuré de la cuisine, vous le travaillez au quotidien. Comment on se réinvente à chaque carte, à chaque saison ? Parce que les matières sont toujours brutes et il faut proposer quelque chose, vous dites « de différent », une nouvelle expérience ? Où est-ce qu'on puise son inspiration, peut-être au-delà de la cuisine, au-delà des rencontres, des lectures ?

De la même façon… Ça fait combien de temps que vous faites des podcasts ?

Ça fait quelques mois.

Quelques mois et vous avez déjà évolué par rapport aux premiers ? J’ai évolué de la même façon. Voilà. On n’est pas plus fort que les autres. On évolue avec le temps, avec notre maturité, avec nos expériences, avec les saisons, avec les années qui passent, avec ce qu’on vit. Je pense que l’année 2020 va être une sacrée maturité pour plein de gens. On va se réveiller un jour, on va nous dire « Ça y est, c’est passé ».

Mais on va se réveiller aussi avec quelques années en plus même, si c’est peut-être… J’espère qu’il se sera passé un minimum de mois dans cette année difficile. Mais on va se réveiller avec le poids de ce qu’on aura vécu. Et tout ça, ce sont des expériences et ce sont ces expériences-là qui nous permettent de nous renouveler aussi. Ces expériences-là qui nous permettent d’aller plus loin.

Moi, depuis qu’on a réouvert après le confinement, donc depuis le 5 juin, puisqu’on a pu réouvrir à partir du 2 juin. Le temps de redémarrer la maison, depuis le 5 juin, je pense que j’ai encore une approche un peu différente de ce que je faisais par rapport à quand j’ai fermé.

On est encore plus sur la gourmandise, le réconfort, la générosité, l’empathie dans nos assiettes.  Je parle dans nos assiettes. C’est-à-dire que maintenant, quand vous plongez la fourchette, la cuillère dans un poisson, ça doit être moelleux, un petit coussin, un nuage. Ça doit apporter juste un petit peu de fermeté pour avoir un petit peu de mâche. Il doit y avoir un bouillon ou un jus de cuisson. Ou les jus de cuisson ! En ce moment, je fais une Saint-Jacques. Dans la Saint-Jacques, il y a… vous savez, quand vous ouvrez la coquille de Saint-Jacques.

Il y a  la nage au milieu, puis tout autour, il y a la barde de Saint-Jacques. Cette barde de Saint-Jacques, je la récupère. Je la laisse dégorger pour qu’elle se filtre et je les mélange avec de la fraise de veau et je fais des Tripettes de Saint-Jacques et de fraise de veau. De bar de Saint-Jacques et fraise de veau avec un petit jus de coquillage et un petit jus de veau.

À côté, je fais un chou de Pontoise de chez Benoît Deloffre. C’est son papa en plus qui les fait pousser. Ils sont juste hallucinants. Ils ont une pointe d’épices et d’acidité accrue en fin de bouche et tout. Je fais une embeurrée de choux comme ça, déglacé au dernier moment avec quelques coquillages. Et puis, je cuis la Saint-Jacques, donc à la plancha et à l’huile d’olive et tout.

Et je récupère tous les jus de cuisson de tout ça, je dresse mon assiette et je mets un peu de chaque jus de cuisson et tout. Et c’est ça qui va apporter la générosité, le réconfort, le truc. Vous avez l’impression.. [rire] Vous allez me prendre pour un fou. Vous avez l’impression que quand il y a tous ces jus-là dans l’assiette, que l’on vous sert et que l’on vous rajoute la sauce et bien, on vient de vous rajouter un petit plaide tout doux sur vous. Vous allez me prendre pour un malade [rire].

Après, c’est… Voilà, c’est… On est dans une année. Moi j’attends, partout où je vais, de ressentir ce côté douillet, ce côté générosité, empathie, ce côté gourmand. J’attends ça partout où je vais. Mais même pour aller acheter une paire de souliers, un jean ou quoi que ce soit. J’attends ça.  On est dans une année…

Quand on allume la télévision, on a l’impression qu’on est au bout du monde. C’est la fin du monde. C’est la fin. La fin de la tolérance. Il n’y a plus aucune tolérance de rien. On est dans un monde où tout le monde juge, tout le monde critique. Personne n’est d’accord avec personne. C’est en plus… C’est toujours celui qui parle le plus fort qui doit avoir raison. Waouh !

Mais on nous avait un jour promis un nouveau monde. Mais si c’est ça, j’ai peur quoi ?! Et moi, je veux surtout pas ça. Moi, je veux un monde où tout le monde tolère tout le monde. Tout le monde est tolérant. Et que cette tolérance, elle soit le maître-mot de ce nouveau monde et qu’il y ait de l’empathie, de la générosité, de la bienveillance. Donc, vous allez me dire, c’est utopique.

Il faut voir le verre à moitié plein qu'à moitié vide. Je trouve qu'on est dans une période où on peut capitaliser sur ce qui se passe aussi ?

Oui et on peut… on peut arriver à faire ça. Il y aura toujours des différences. Il aura toujours des grands, des petits, des gros, des maigres, des beaux, des moches, des blancs, des noirs, des jaunes… il y aura toujours de tout. Il y aura toujours une différence, mais c’est cette culture de la différence qui est importante de toute façon.

Mais le premier mot de la culture de la différence, c’est la tolérance. Et je pense que dans la culture de la différence d’aujourd’hui, on a oublié ce mot-là. Donc, c’est tout. Après, on va pas rentrer non plus dans un schéma politique, mais c’est toujours des différences sociales. Ça, c’est une évidence et c’est inévitable.

Je pense qu’on ne pourra pas toujours tout donner, à tous les niveaux sociaux. Quand je dis tout donner, tout le monde ne peut pas toujours tout acquérir. Moi, mon rêve ce serait de voyager en jet privé. Mais je sais que c’est totalement inaccessible, mais je n’en suis pas malheureux. C’est tout, arrivé un moment il faut qu’on arrête.

On a le droit d’avoir des rêves et des envies, mais on n’a pas le droit d’être envieux et jaloux. Voilà, c’est tout. Oui, mon rêve ce serait «  Tiens demain c’est mardi. C’est fermé. Chérie, on prend le jet et puis on va aller manger à Monaco ». Ouais, d’accord j’adorerais, c’est vrai. Mais c’est pas ma vie. C’est pas… J’ai pas travaillé pour pouvoir avoir ça, donc je l’ai pas et puis c’est tout, quoi. Et quand je vois des fois, des émissions télé là-dessus ou des films là-dessus… « Roh la vache, c’est sympa quand même ».

Mais c’est tout quoi. Ça s’arrête là. Et après, il y a l’intelligence de dire « Ouais d’accord ils ont une autre vie que moi » et moi, j’ai la vie que j’aime. Voilà. Eux ont une vie qu’ils aiment, mais j’aimerais peut-être pas leur vie. Et eux n’aimerais peut-être pas la mienne. Moi, j’aime la vie que j’ai. Donc voilà, il faut vivre naturellement et puis émotionnellement ce qu’on a envie de vivre. On s’est un peu perdu là ?!
 
[rire]

C'est ça que j'aime bien, aller un petit peu au-delà. On parlait justement…voilà de tous ce côté réputation. Il y a une partie par rapport à mon métier sur le digital. Comment on gère aussi au quotidien… maintenant le moindre commentaire est scruté, tout est épié… Comment vous gérez un petit peu au quotidien le retour client, les positifs comme les négatifs ? Comment vous gérez ça aujourd’hui ?

Il y a eu plein d’étapes. Il y a eu avant les années 2000 où ça n’existait pas. Et puis, on osait les pas toucher un chef qui avait trois étoiles. Moi, à l’époque, j’étais pas étoilé et donc… j’étais peut-être même pas chef. On n’osait pas toucher un chef qui était trois étoiles. Donc ça, c’était la grande époque des trois étoiles ou… c’était des dieux. Des dieux la cuisine et de la gastronomie, des dieux du palais et on n’osait pas les toucher.

Il y a eu les années 2000, ou justement les réseaux sociaux sont arrivés. Il y a eu Internet. Pour plein de choses, ça a été extraordinaire. Pour plein d’autres choses, c’était le début de la fin et il a fallu apprendre à vivre avec les commentaires, les réseaux sociaux. Moi, je me rappelle le premier commentaire qui arrivait peut-être sur Tripadvisor, ou quoi que ce soit, qui était positif.

On est content et puis deux secondes, on en voit apparaître un où il est négatif. On se dit « Mais c’est quoi ça ? Mais c’est pas possible ». Et puis là, il faut apprendre à composer avec tout ça et puis les commentaires affluent de tous les côtés. Je suis pas branché dessus tous les jours, loin de là. 

Parce que toutes ces expériences-là sont très importantes, mais les retours d’expériences de nos convives sont très importants. Il faut savoir aussi faire une moyenne de tout. Le client qui vous écrit… quand vous avez dix commentaires d’affilé. On vous dit que vous êtes le meilleur du monde. Arrivé un moment, il faut arrêter d’y croire. On n’est pas les meilleurs du monde.

Il y en a plein d’autres. C’est parce que, lui à ses yeux, vous êtes le meilleur du monde. Et à ses yeux, vous êtes un restaurant chez qui il est allé. Mais il n’a pas fait le tour du monde et après si les dix commentaires qui suivent, disent que vous êtes le plus à chier du monde, il faut arrêter d’y croire aussi parce qu’à leurs yeux, vous n’êtes pas le seul restaurant qu’il a fait.

Mais il n’a pas non plus fait tous les restaurants et c’est parce qu’on n’est pas du tout sur la même vision.

Donc, voilà. Donc comme je le dis, il ne faut pas se prendre la tête. Il faut les regarder. Il faut faire un mix de tout ce qui ce dit. Faut faire une moyenne. Après, quand on nous dit régulièrement « Là, il y a un problème dans votre maison ». Quand ça revient dix fois sur une saison, bon là, on a réellement un problème. On peut essayer de l’améliorer.

Et est-ce que c'est un peu, en rapport à ce que vous dites sur votre père. Quand votre père vous a dit en meilleur conseil "Ne vit jamais avec des regrets » ?

Oui, ne vit pas avec des regrets.

On ne regarde pas les commentaires, mais en tout cas on continue d’avancer tout le temps ?

C’est vrai que j’ai jamais fait de rapport entre les deux. Papa me disait toujours « Il ne faut pas vivre avec des regrets. C’est tout, il faut tenir des leçons de tout ce que tu as vécu, de toutes tes expériences, mais il ne faut pas vivre avec des regrets ». Non, après les commentaires… c’est parce qu’à une époque, je me suis rendu malheureux. Je me suis rendu malheureux, mais malheureux à un point où on n’en dort pas quoi… Et puis, sauf qu’un jour, on se dit « Je suis en train de partir totalement en vrille ».

Au point de remettre en cause certaines choses dans la cuisine, dans la structure ?

Au point de remettre en cause sa santé. Parce qu’il ne faut pas l’oublier non plus. Tout ce qu’on peut lire. On est des écorchés vifs et les chefs comme beaucoup de personnes, comme les footballeurs, comme les grands sportifs, comme les artistes-peintres, les artistes sculpteurs, comme toutes les personnes qui ont… comme les acteurs, comme les chanteurs, et tout. On est…

À la base, on choisit une branche où on est passionné. On se met à cuisiner, on apprend à l’école, on cuisine et là, il se passe quelque chose en nous où on est encore plus passionné que la passion et puis on avance bien et puis un jour on se met à ouvrir un restaurant ou à reprendre un restaurant et puis il y a des étoiles qui tombent. Parce qu’on est super passionnés. Puis on arrive à faire passer des émotions, les étoiles tombent. Une, deux, trois.

Mais à aucun moment, vous n’avez été formé pour affronter le regard du monde. Comme un chanteur, comme un acteur. Et tout ça. Et on est en reste des êtres très sensibles. Parce que justement, si on est des passionnés avec énormément de passion et d’émotion, c’est-à-dire qu’on a une sensibilité à fleur de peau. Et cette sensibilité-là, arrivée un moment, on prend tout comme une éponge. Mais tout. Aussi bien la personne qui nous idolâtre. Excusez-moi du terme que je vais utiliser, mais que le tocard qui nous crache dessus.

On prend tout comme une éponge et arrive un moment, ce qui blesse fait très mal. Et on peut même. Si on reste à toujours prendre tout comme une éponge, arrive à un moment, on a plus de protection et on peut s’en rendre malade. Quand je dis malade, c’est à ne pas dormir, à vivre qu’avec ça, à s’énerver après ses équipes, à s’énerver après soi, s’énerver après ce qu’on est, ce qu’on n’est pas et je dirais presque…

Ça n’a pas été le cas pour moi, je n’en suis pas arrivé là, mais ça pourrait, ça aurait pu être, à une époque le cas. Arriver sur une sorte de déprime, de dépression et tout ça. Et c’est là où ça devient catastrophique. On ne s’en rend pas compte du mal que ça peut faire.

Il y a certains grands chefs qui ont connu ça. À perdre une étoile, en tout cas un peu à tout relâcher.

Oui, mais quand vous perdez une étoile, quand vous gagnez une étoile, vous êtes jugés par des grands professionnels.

Par les pairs ?

Non, les étoiles c’est le Michelin. Ce sont les inspecteurs. Ce sont des grands professionnels. Après moi, au début de Tripadvisor… on va dire clairement les choses. Ça a commencé à exister en 2003, ça a commencé à exploser vers 2008-2009. Il y avait même des commentaires ou les gens n’étaient pas venus chez nous…

Vous le gérez comment ça ?

Au départ, ça nous fait mal. Ça nous fait mal, parce qu’on sent que c’est la jalousie ou quoi que ce soit. Et puis au fur à mesure… C’est tout.

La preuve, elle est en cuisine ?

Ouais, voilà. Après c’est tout. Donc, il faut les regarder ces commentaires, ces retours d’expériences, parce qu’il y a aussi des gens très intéressants qui écrivent. Mais vraiment de très très belle personnes, de très très bonnes personnes qui sont de très bons conseils. Il y a des gens qui écrivent avec beaucoup de légèreté aussi. Il faut quand même regarder ce qu’ils disent et tout.

Quand vous avez un problème dans votre maison et puis que ce problème-là est relaté toujours en plein milieu d’un commentaire qui fait dix lignes, qui est dithyrambique sur vous et puis il y en a un qui dit « Par contre, faites attention à ça ». Si le « faites attention à ça », revient trop régulièrement, c’est que vous avez un vrai problème et là vous pouvez régler votre problème. Vous pouvez travailler dessus pour le régler. Après voilà… Faut prendre ça avec un peu de recul.

Un truc que j'aime beaucoup dans les parcours des gens, ce sont souvent les échecs qui forment les réussites aussi derrière. Vous, ça serait quoi l’échec, ou plutôt l'expérience la plus dure qui vous a le plus appris et sur laquelle maintenant vous capitalisez peut-être ?

Je ne suis pas arrivé à devenir footballeur… En fait, en même temps, j’avais pas spécialement envie [Rire]. Des échecs, oui il y en a plein. Tous les jours, il y a des échecs. Même encore aujourd’hui. Faut pas rêver. On fait des essais de plats, ça ne marche pas. C’est un échec et il faut qu on rebondisse sur cet essai-là : « Qu’est-ce que l’on garde dans les essais que l’on vient de faire ? » « Quels éléments on peut garder ? », « Qu’est-ce que ça nous a permis de voir ? », «  Qu’est-ce que ça nous a permis d’avancer ? »… et tous.

Des échecs, il y en a tous les jours et puis on se reconstruit sur une base d’échecs aussi. Parce qu’on sort de cet échec-là, le peu de réussite qu’il y a… On améliore l’échec et puis du coup ça crée peut-être un plat qui sera réussi.

On parlait justement d’échecs. Il y aussi le côté réussite. Aujourd’hui, et ça je sais que c'est très personnel. C'est autant pour la mère de famille, que pour le chef étoilé, que pour n'importe quelle personne. C'est quoi la définition du succès aujourd'hui par Arnaud Lallement ?

Le sourire de mon convive, quand il repart après manger. Oui. Voilà, c’est tout. Voilà, c’est la plus belle réussite. Vous faites quarante couverts le midi, 50 couverts le soir et vous leur dites au revoir en salle à la fin du repas et tout… et ils ont le sourire. Ça, c’est une belle réussite. Bien sûr que dans la réussite, il y a également les étoiles, les toques, les notes, les bons avis, les beaux commentaires, les classements et tout ça. Evidemment qu’il y a tout ça, mais il y a aussi surtout le convive qui sourit.

C'est pour ça que je dis qu'il y a vraiment votre définition du succès. Ce que les gens ne voient que ça et on du mal à voir aussi tout le travail derrière et que la finalité, l'expérience que vous proposez, c'est vraiment dans l’assiette.

Mais vous savez, quand on dit « le sourire du convive » qui est là et qui repart heureux et tout.  Dans ce convive-là, il y a celui qui va donner les étoiles, parce que l’inspecteur du Michelin, c’est un convive, celui qui donne des toques et des notes, parce qu’un inspecteur du Gault & Millau, ça reste un convive. Celui qui vous met dans un classement, celui qui fait si, celui qui fait ça et tout donc… si vous avez 90 % des convives qui repartent avec le sourire, il y a peut-être une petite chance qu’il y avait quand même un inspecteur du Michelin dedans. Mais bon voilà…

C’est servir tout le monde au même niveau ? Aucune exception ?

On ne peut pas, on ne peut pas. Surtout pas. Déjà d’une, on ne connaît pas les inspecteurs. De deux, une fois qu’un inspecteur a décidé de vous mettre une, deux ou trois étoiles, il faut être à la hauteur de ces étoiles-là. Sinon, c’est catastrophique. Vous la re-perdez l’année où les deux ans qui suivent. Donc, on ne peut pas. Il faut se battre. Ça ne marche pas à 100%.

C’est ça que je me demandais. Ce que j'ai lu, votre parcours, les récompenses, les toques, les étoiles, c'est beaucoup de choses… En faisant des recherches, je me rends compte qu’il y a aussi « Les grandes tables », « Les meilleurs restaurants du monde »… Enfin, il y a beaucoup, beaucoup de récompenses. Quand on arrive à un tel niveau d’excellence, qu’est-ce qu'on se fixe comme objectif ? Déjà, est-ce qu’on s’en fixe ?

J’en ai un qui est extraordinaire d’objectif pour les 20 prochaines années : continuer à prendre toujours autant plaisir à cuisiner. [rire] Non, mais ça fait rire mais c’est exactement ça. Je suis très, très, très, très, très heureux d’avoir… qu’on ait pu,  parce que je dis « on » parce que c’est tout une équipe et moi-même, acquérir toutes ces récompenses. Puis arriver à les garder.

Et le jour où j’en perdrai, je serai très, très, très malheureux. Ça, je ne vais pas dire le contraire. Mais je le vis sereinement parce que je suis chez moi tous les jours, avec mes équipes et mes convives. Parce que le fait de vivre tous les jours, d’être chez soi tous les jours, avec ses équipes et ses convives, c’est qu’on ne vit pas que dans les distinctions, on vit également dans la dureté de la réalisation de nos plats, de l’accueil, de l’expérience… On se remet en question tous les jours.

Il y a une grosse part d’apprentissage. Je me suis rendu compte quand j’ai fait des recherches : 30 personnes en cuisine en moyenne, 25 serveurs. Il y a la partie « hôtel » et la partie « restauration ». À la base, c’est une formation de chef, mais la casquette d’entrepreneur, en tout cas de chef d’entreprise, la casquette de manager, la casquette… Comment on apprend ?

Ça, ça ne représente qu’une seule casquette. Voilà, un bon chef de famille. Non, mais c’est exactement ça. Vous savez, une maman à la maison, une maman à la maison, ça se lève le matin, ça prépare les enfants, ça prépare.. ça prépare les enfants comme une maman. Ça prépare le petit-déjeuner, comme à l’hôtel, ça démarre sa voiture et puis ça met les enfants dans la voiture pour les emmener à l’école, comme un chauffeur, ça va au travail comme une maman qui travaille toute la journée et tout.

Ça ressort du travail, ça va faire les courses comme une maman qui fait les courses pour sa famille, qui va faire à manger, qui fait faire les devoirs comme un professeur à ses enfants et tous, qui les prépare pour aller se coucher… et puis qui arrive à un moment, il est passé 21h et puis elle prend son rôle de femme, avec son mari pour regarder la télé, finir de manger, discuter ou quoi que ce soit…

Une maman, vous avez vu tout ce qu’elle fait dans une journée. C’est énorme ce qu’elle fait, une femme lors d’une journée. C’est quelque chose d’hallucinant, c’est quelque chose d’extraordinaire. Elle a toutes ces casquettes-là, au bout du compte, elle a la casquette de mère de famille. Et bien moi, je suis un père de famille ici. Je me simplifie la vie en disant que je suis un père de famille.

Je dois savoir cuisiner, je dois savoir gérer les hauts et les bas de chacun, je dois savoir gérer aussi, des fois, les petites crises qu’il y a entre chacun. Je dois savoir mettre suffisamment d’argent de côté pour les payer quand même, je dois gérer aussi les fournisseurs tout ça… et tout. Mais, ce sont tous les rôles qu’une maman a à la maison.

C'est un côté très famille dans la gestion, enfin pas un côté paternaliste ?

Si, si… et qui me plaît en même temps. Des fois, c’est lourd à peser, à porter, mais c’est qui me plaît aussi en même temps.

Après, ça colle à l’image qu’on peut se faire, en tout cas que moi je me fais du milieu de la restauration. Quand je disais, « On vit, on mange, on dort dans la restauration ».

C’est exactement ça. Un restaurant qui est managé par un manager et ainsi de suite, ça peut être un très, très bon restaurant. Mais, il n’y aura pas la même âme qu’un restaurant qui est géré par un chef de famille.

C’est d’abord, les équipes, d’abord l’humain ? 

Ouais, c’est l’humain, c’est tout ça et tout. C’est exactement les paramètres d’une maman à la maison, c’est exactement pareil. Voilà. Non, mais je pense… dans ce que je dis, je ne me trompe pas beaucoup quelque part. Là-dessus, il y a plein de paramètres.

Justement, vous parlez du côté famille et la question que je me suis posée, c’est : Comment on vit aux côtés d’un chef étoilé, pour la famille et les amis, comme vous êtes là au quotidien ?

C’est super chiant [rire]. Vivre à côté d’un chef étoilé, il faudrait demander à ma femme. Par bonheur, elle n’est pas là avec moi [rire].

C’est un métier très prenant ? C’est pas un métier, c’est une passion vous disiez…

C’est extraordinaire et c’est atroce en même temps. c’est extraordinaire parce qu’on vit avec quelqu’un qui est passionné, qui est plein d’émotion et c’est atroce parce qu’il ne vit que de ça. Je suis incapable de prendre une heure de temps de libre si j’ai le service qui a démarré chez moi ou si, demain, enfin… par bonheur, ce n’est pas le cas aujourd’hui, mais ce soir, je pourrais avoir que 15 couverts et me dire :  « oh bah tiens, je reste à la maison tranquille devant un petit feu de bois et puis je vais profiter d’être avec ma femme, avec les enfants » et tout.

Mais je le vivrais mal, je serais trop malheureux et tout. Mais comment je pourrais faire ça mes convives ?! Mes convives qui ont choisi de venir ce soir-là, qu’il y a que 15 couverts, ce n’est pas de leur faute quand même. Et pourquoi je serais pas là, parce qu’il y a que 15 couverts ?! Mais ils n’ont pas choisi le soir où il n’y a que 15 couverts. Et les autres, quand je faisais le soir où il y a 50 couverts, je vais être présent… non, mais ça ne va pas.

C’est pas normal, c’est injuste, c’est égoïste de ma part. Et le convive qui va avoir choisi le soir où il n’y a que 15 couverts, mais il va payer le même prix que le soir où il y en a 50 et pourquoi j’y serais pas dans ce cas-là ? Moi, je le vis mal et puis au bout d’un quart d’heure, je reprends la voiture et je rentre. Vous avez vu ? Le lapsus révélateur. 

Je suis chez moi et je dis « Je rentre ». Non, non, normalement quand on est au travail et qu’on rentre, c’est qu’on va chez soi.  Moi, je suis chez moi et je rentre, c’est parce que je reviens au travail.  C’est le lapsus révélateur… donc voilà, ça je ne peux pas, je ne peux pas.

Je me demandais, comme c'est un métier très prenant. C'est quoi les hobbies qu'on peut s’autoriser, que vous vous autorisez au final à côté ? Que ce soit en cuisine ou autre ?

J’ai un super hobby que j’adore vivre tous les jours, c’est cuisiner. Mais par contre à la maison, je ne cuisine pas. 

Je voulais éviter de poser la question.

Je ne cuisine pas, ça m’agace.

L’exigence, je pense que vous la faites au quotidien. Je me dis qu’effectivement, quand on rentre à la maison, on veut peut-être faire une cuisine un peu différente ?

Non, mais je ne peux pas cuisiner à la maison. Ma femme, elle surveille tout ce que je fais et elle surveille si je ne salis pas trop [rire]. Non, non c’est encore pire [rire] Je suis surveillé. Au boulot, je ne suis pas surveillé. [rire] Non, je ne cuisine pas la maison parce qu’on aime bien sortir, on aime bien profiter, on aime bien faire les choses simples.

Quand je reçois, on aime limite un plateau de fromages avec un plateau de charcuterie, parce que moi je peux passer du temps avec mes amis.  c’est les seuls moments que je peux réellement passer du temps. Si c’est pour les recevoir à la maison et me mettre à cuisiner…C’est… je vais pas être avec eux, eux ça va les gonfler parce que je ne suis pas avec eux et puis… comme ils me disent « Ta cuisine, on la connaît. On vient manger chez toi. Donc, c’est bon ».

Ça m'intéressait aussi. La cuisine, en règle générale, a une mauvaise image. Il y a 10 ou 20 ans, voire même un peu plus, c'était « Tu es mauvais à l’école, tu iras faire de la restauration ». Aujourd’hui, ça a complètement évolué ?

Je me rappelle, quand tu étais pas bon en 5ème ou en 3ème, si tu étais un homme, tu allais en cuisine ou en mécanique, si tu étais une femme, tu allais en coiffure ou en esthétique. Et au bout de quarante ans qu’on a entendu parler de ça, parce que ça a été à la mode à partir d’une certaine génération en France.

On va dire vers 1981, vers mai 1981, pour ne rien citer de plus. C’était devenu la mode de faire des écoles d’ingénieurs, des écoles de machin, des écoles de si, de faire des bac +6, +7, + 8. Mais depuis 81, dans la coiffure, Jacques Dessange a réussi à terminer milliardaire. Jean Louis David a terminé, certainement milliardaire. Franck Provost a dû terminer milliardaire. Dans la mécanique, au bout du compte, il y a des marques comme Ferrari qui sont pour les milliardaires.

Comme Porsche, qui sont pour des gens très aisés. À côté de ça, dans la cuisine, des gens comme Ducasse, qui ont plus que réussi et tout ça, par contre, vous pouvez me citer un ingénieur qui est connu dans le monde entier et qui a réussi ? Bon là, c’est la blague, c’est la petite blagounette, mais ouais, c’est moche parce que, c’est pas la cuisine qui était montré, pointé du doigt. C’était le travail manuel. Et moi, je suis désolé. Un pays où il y a des que des intellectuels, ne pourra pas fonctionner. Un pays, où il n’y a que des manuels, ne pourra pas fonctionner non plus. Il faut laisser tout.

Mais comment on peut ancrer à toute une génération dans leur tête ? Parce que c’est grave !Cette génération-là va le traîner pendant trois générations Parce que la génération qui était en cours dans les années 80, on leur a ancré « Si tu vas pas passer le bac, tu seras un cancre. Si tu fais pas bac +2, +3, +4, +5, tu ne réussiras pas dans la vie ».

Et arrive un moment, on leur a ancré ça dans la tête. Leurs enfants, ils se sont mariés. Ils ont plus ou moins réussi pour certains quand même. Ça n’a pas non plus été l’apothéose, mais ils ont recommencé avec leurs enfants, du coup. Ils ont recommencé avec leurs enfants : « Regarde, moi j’ai bac +5 et tu as vu ce que je suis ? Il faut que tu aies bac +8 pour être encore mieux que moi ». Ils ont recommencé avec leurs enfants et voilà seulement que ça commence à se dire « C’est peut-être pas la bonne option. Il faut que chacun fasse ce qu’il a envie.

Évidemment qu’il nous faudra des grandes réussites scolaires avec des bac +5, des bac +6, pour la médecine, pour les ingénieurs, pour l’informatique. Il nous faut des gens comme ça. Parce que c’est des gens qui nous… qui nous font avancer dans la vie et tout. Mais en attendant, ces gens-là, il faudra bien qu’ils soient nourris, qu’ils soient habillés, qu’ils soient… enfin qu’il y ai plein de choses autour d’eux, des activités et tous. Et il faut également qu’ils aient des manuels autour d’eux. Pas à leurs services. Autour d’eux. Voilà, mais personne est au service de personne.

Tout le monde est ensemble. Mais il faut de tout pour faire un monde. Donc on arrête de taper sur les jeunes qui, en fin de quatrième ou qui sont en échec scolaire, et qui vont faire mécanique parce que moi, quand j’emmène ma voiture au garage et puis que le jeune qui est en fin de 4e, qui a fait un échec. Qui lui, sait réparer ma voiture et que je peux remonter dedans et puis la démarrer et puis aller tous les jours dans ma cuisine…

P****, qu’est-ce que je suis heureux de l’avoir rencontré ce jeune-là. Non, mais il faut dire clairement les choses. Voilà quoi. Il n’y a pas de sous-métier, on l’a toujours dit. Et je pense qu’au fur et à mesure du temps, c’est encore plus fort.

Quels conseils vous pourriez donner, parce qu'il y a aussi des personnes 30-40-50 ans qui se reconvertissent dans le domaine de la restauration en général… La façon dont je voulais vous le formuler c'est « Si vous deviez vous donner un conseil à Arnaud Lallement des années 2000, à ces personnes qui se reconvertissent aujourd’hui, ça serait quoi vos conseils ?

Il faut foncer. Il faut le faire s’ils sont passionnés, il faut le faire. Après, même si on est passionné, même si on aime ça, il ne faut pas regarder, il ne faut pas se dire « Je veux devenir restaurateur parce que c’est super sympa ». Non. On devient restaurateur parce qu’on n’en a réellement envie, voilà. Donc, une fois qu’on en a réellement envie, qu’on a analysé qu’on a réellement envie d’en chier. Parce qu’on en chie pour être restaurateur. D’être restaurateur, on en chie quand même. 

On travaille quand tous les autres sont en repos.

Exactement. Par contre, on est en repos quand les autres travaillent. C’est pas mal aussi ça [rire]. Même si on a moins de repos. Mais, non, non restaurateur on en chie. C’est un métier qui est très dur et très prenant. Mais c’est le plus beau métier du monde et si on en a réellement envie, il faut foncer, faut y aller, il faut pas hésiter quoi.

Et ça, ce côté de transmission, aujourd’hui. Ce que je voulais vous poser. Vos prochains projets peut-être hors cuisine, vous auriez envie peut-être de transmettre, à un certain moment dans votre carrière et de quelle façon ?

Oui, on a toujours envie de transmettre. Mais il faut faire attention à la transmission. Elle est super importante. Nous, on nous a rien transmis. On est la génération où les chefs d’avant, qui ont aujourd’hui 70, 80, 90 ans, ces chefs-là ne nous ont pas montré. Il fallait qu’on soit à côté d’eux et qu’on essaie de leur choper le truc.

Il fallait qu’on les observe et qu’on chope les trucs. Nous, on est la génération où on montre comment faire et tout. Il ne faut pas non plus qu’on rentre dans une génération où on va sur-transmettre. Ça veut dire, tout expliquer, mot pour mot, tout encoder… parce que si on commence à trop encoder la transmission, il n’y aura plus d’émotion.

Donc, il faut quand même faire attention. Entre moi, qui ai vécu le moment où il fallait piquer au chef dans l’observation, comment il faisait. Parce qu’il ne nous expliquait absolument rien du tout. Il était là, en train de faire une mayonnaise devant nous. Il ne nous disait pas pourquoi elle était plus aérienne chez lui que chez le voisin et il fallait que ce soit nous qui captions qu’il était en train de faire un huit avec son fouet au lieu de faire un six…

Non, mais des trucs comme ça. Et c’était à nous de le voir. Que nous, on est passé à la génération d’après. On peut expliquer aux jeunes. Si tu veux que ta mayonnaise, elle soit super aérée, fais un huit au lieu de faire un six.

Ça y’a pas de souci et tout. Mais il ne faut pas que les générations d’après, transmettent à la future génération : « Bon écoute, pour faire la mayonnaise, regarde bien, je prends mon fouet de cette façon-là, je fais si, je fais ça, je fais si.. ». Parce que quand tout sera trop encodé, on va encore perdre en âme. Donc, il faut que ce soit une transmission légèrement codée, mais pas trop codifiée. C’est un point de vue personnel encore.

Pour revenir juste… par rapport à votre façon de cuisiner la matière brute. Vous dites que vous réutiliser absolument la totalité, comme pour le homard je crois.

Tout et tous les produits.

Qu’est-ce que vous attendez par rapport aux producteurs avec qui vous travaillez, en terme de relation ? En tout cas d'exigence par rapport à leurs produits ?

Une fidélité à la qualité qu’ils m’ont servi la première fois. Ça, c’est ce qu’on attend le plus. Et moi je serai fidèle jusqu’à la fin, jusqu’au bout du bout de la qualité qu’ils pourront servir. Ça, c’est le plus important. J’attends d’eux qu’ils soient fidèles à eux-mêmes, c’est-à-dire que quand je rencontre un boucher qui est brut de décoffrage, je veux qu’il reste brut de décoffrage qu’il m’envoie chier, quand il a envie de m’envoyer chier, parce que je suis trop chiant, parce que je veux ça comme ça, comme ça…

Mais puisqu’il était comme ça le premier jour, pourquoi il ne le serait pas le deuxième et le troisième ? C’est pas parce que je deviens client et puis que je lui achète beaucoup de viande qu’il doit commencer à me faire des courbettes. C’est surtout pas ce que j’attends. Je m’en fous.

Ce que je veux, c’est la qualité de la viande comme le premier jour.  Pareil pour les poissons, pareil pour les légumes et tout ça et tout. Et puis que si je m’engueule avec eux, que ça ternisse pas notre aventure. Si on s’engueule, c’est qu’on a un problème l’un et l’autre. Un truc que moi j’ai pas compris, que lui n’a pas compris, qu’il faut qu’on s’explique et puis voilà. J’attends cette fidélité là. J’achète mes pigeons au même endroit que mon père a commencé en octobre 75.

Le côté fidélité que vous vous demandez, vous le donnez aussi ?

Oui, bien sûr. C’est une fidélité qui est assez large, assez grande, assez exceptionnelle. Et puis il faut qu’on la garde. Mais dans ce cas-là, il ne faut pas avoir peur de se dire les choses.

Je me demandais. Au final, il y a 1 000 champagnes en moyenne, 1200 références de vins. Je trouve qu'il y a beaucoup d'appelés pour peu d'élus au final qui vont à figurer à la carte. Qu’est-ce que vous attendez de la part des marques ? Moi je travaille plus avec des vignerons champagne, mais qu’est-ce que vous attendez de leur part s’ils vous contactent ? Parce que vous êtes beaucoup sollicité ?

Oui, on est beaucoup sollicité. C’est compliqué aujourd’hui, parce qu’il y a 10 ans, il y a 15 ans quand un vigneron comme Frédéric Savard, Jérôme Prévost, Raphaël Bérêche, Alexandre Chartogne, amenait quelque chose, c’était une vraie nouveauté. Mais au fur et à mesure.. des fois, on rentre dans des moments où je ne dis pas que tout a été fait, mais ce sera plus dur d’amener la nouveauté aujourd’hui.

Il y a 15 ans, il y avait 150 références qui étaient des maisons de négoce, enfin des grandes Maisons de Champagne. Et qui avait toute un style propre à elle. Mais qui était en parallèle. On est arrivé, il y a 15 ans avec eux, des vignerons comme je viens de vous citer, qui ont tous un style bien particulier à eux. Mais en partant un petit peu dans tous les sens, mais avec une vraie identité. Maintenant, toute la future génération, va falloir qu’elle trouve également, à son tour, sa propre identité.

Donc, c’est ce que vous attendez ? 



Des nouvelles identités. Parce qu’il ne faut pas qu’on tombe dans le style…des fois, j’en ai qui vienne  me voir en disant « J’ai beaucoup travaillé avec untel, j’ai un champagne qui lui ressemble beaucoup ». S’il lui ressemble beaucoup, pour quoi faire avec ? Donc voilà, on attend des choses différentes. 



Des choses vraiment typiques, c'est ce que vous revendiquez. J'ai cru comprendre qu’en plus votre leitmotiv c'est vraiment « la cuisine et le champagne » à marier ?

Les accords mets et champagnes, évidemment. Je suis dans une région viticole, c’est top. Il faut la mettre en avant sa région viticole et puis il faut surtout travailler avec. Donc oui, il y a plein de champagnes. Il faut travailler tous ces plats avec un champagne différent ou enfin il faut travailler… Je dis toujours « Je goûte ça à manger, avec quel champagne ça irait ? Je goûte ça à boire, avec quel plat ça irait ? ». Voilà, il faut que ce soit des allers-retours perpétuelle.

Pour terminer sur une dimension un peu plus personnelle, en tout cas légère. Si vous avez une recommandation sur un livre, un documentaire que vous avez vu une expo ou autre, ce serait quoi ? Qu’est-ce que vous recommanderiez pour les personnes qui s'intéressent au monde de la restauration ou autres ? Des choses qui vous ont plu.

Il y a Stéphane De Bourgi qui est un grand photographe parisien, qui fait souvent des expos de photos d’artistes, de chanteurs, de cuisiniers, et tout. C’est assez intéressant ce qu’il arrive à faire, à nous faire ressortir une identité bien propre à chacun et tout. Donc, il y a une expression visuelle dans ces photos qui est plutôt assez sympa. Ça, ça fait partie des choses que j’aime bien citer.

Un livre. Il y en a plein. C’est surtout des livres de cuisine. Il y a un livre qui s’appelle « Mémoire de chefs » qui a été écrit par Nicolas Chatonier. C’est sur toute cette génération des dieux de la cuisine. J’appelle toujours ça les dieux de la cuisine parce que pour moi ça reste cette génération d’après-guerre, qui avec un fourneau à charbon et puis un potager à côté de la salle de restaurant, ils ont réussi à nous faire des choses juste hallucinantes. Bocuse, Troisgros,  Guérard, Chapelle et Eberlin…

Donc, il y a un joli livre. On parle de chefs où on parle beaucoup de leur expérience, de leur histoire à eux, où il y avait une insouciance. Il y avait une certaine insouciance où ils rigolaient. On retrouve Bocuse en plein milieu des rues de New-York avec Guérard dans une brouette… enfin voilà, des trucs comme ça où c’est…

Une image moins formelle ?

Oui, voilà. C’est super sympa aussi et cette insouciance de franche camaraderie et puis on s’éclatait quoi. Donc voila quoi. C’est des belles choses.



Si les personnes voulaient vous contacter, est-ce qu’on les renvoie vers le compte Instagram, est-ce qu’on les renvoie vers le site internet de l’Assiette ?

Sur le site internet parce qu’en fait, sur le compte instagram, je vais les envoyer sur le site internet… [rire] Donc, ouais y’a pas de souci.

Merci beaucoup de m’avoir accueilli et puis bonne continuation et bon service… bon courage pour le service.

Merci, c’était super sympa. À refaire merci.

LE MOT DE LA FIN

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Geoffrey

Geoffrey

Curieux de nature, je me définis comme un slasheur : entrepreneur/brand Manager/coach professionnel. Chaque mois, retrouvez mes articles sur la création de marque et le coaching.