La filière Champagne face à la crise sanitaire : « Nous sommes encore dans l’adaptation à la crise ». 


Thibaut Le Mailloux©Comite_Champagne

Depuis le début de la crise sanitaire, l’activité commerciale des régions viticoles est très ralentie, voire complètement stoppée. Maxime Toubart, Président du Syndicat Général des Vignerons de la Champagne, annonçait la semaine dernière à la presse une baisse de 50 % à 70 % des ventes de bouteilles pour le premier trimestre par rapport à la même période de 2019. Sur le terrain, les acteurs de la filière Champagne s’organisent pour continuer leur activité malgré le prolongement du confinement jusqu’au 11 mai 2020. 

Thibaut Le Mailloux, Directeur de la communication du Comité Champagne, revient sur la crise que subit la filière Champagne.

Face à cette crise économique et sanitaire, quelles sont les répercussions pour la filière Champagne ?

« La difficulté la plus urgente consiste à maintenir le travail de la vigne. Le Syndicat Général des Vignerons, l’Union des Maisons de Champagne et le Comité Champagne ont communiqué dès le début de la crise pour apporter des premières réponse  aux acteurs de la filière (communique-de-presse-filiere-champagne-18-mars-2020).

D’un point de vue pratique, cette période est normalement l’occasion pour le vignoble de mettre en place des dispositifs pour la confusion sexuelle (N.D.L.R : racks et autres formes de capsules), une technique de biocontrôle permettant de lutter contre certains parasites qui frappent la vigne et qui a permis en 15 ans de réduire de 98 % l’usage d’insecticides en Champagne. Les mesures de protection, mises en place pour protéger les salariés, demandent de repenser complètement notre manière de travailler. Par mesure de sécurité pour leur personnel, l’interprofession a recommandé de décaler les chantiers de pose à fin avril ou début mai ; certains envisagent de faire la mise en place en effectifs réduits ».

"La difficulté la plus urgente consiste à maintenir le travail de la vigne".

« Tout le travail en cave doit également se poursuivre. Avec la vendange à venir, il faut procéder aux tirages pour que les cuves puissent accueillir la prochaine récolte. Il est donc important que l’activité de la filière puisse être maintenue, avec des mesures de protection adaptées.

Concernant les ventes, l’activité principale se concentre sur les trois-quatre derniers mois de l’année et représente 50% des expéditions. Avec les mesures de confinement, les consommateurs français vont potentiellement revoir leurs achats prioritaires puisqu’ils sont, pour le moment, invités à rester chez eux au moins jusqu’au 11 mai »

Dans ce contexte de crise sanitaire, le Comité Champagne a-t-il adapté sa communication auprès du Grand Public et des professionnels ?

« Nous avons pris la décision de maintenir des publications sur les réseaux, mais à un rythme un peu plus modéré . Nous faisons quelques références spécifiques à ce qui se passe, mais sans dévier de nos messages de fond. Par exemple, on a dit que les bouteilles étaient aussi confinées en cave pour minimum 15 mois. Une façon détournée de faire référence à notre situation actuelle ».

Publication du Comité Champagne - Agence Discovery
Publication Facebook du Comité Champagne pendant le confinement ©Tous droits réservés

« Certains de nos messages pédagogiques de l’élaboration du champagne restent valables. Nous essayons de conserver une visibilité en renforçant la priorité de l’éducation aux vins de Champagne. La communication sur la plateforme du M.O.O.C. du champagne(1) (N.D.L.R :  www.champagne-mooc.com) déjà prévue dans nos plans, ne s’arrête pas avec la crise.

Au contraire, le confinement étant le moment pour beaucoup de professionnels et d’amateurs de consommer du contenu digital, en partie à des fins de formation et d’amélioration de leur expertise technique. Ce type de contenu digital est le meilleur moyen de tirer parti du confinement en devenant un expert du champagne en quelques heures de vidéos ».

(1) Massive Open Online Course. Il s’agit de cours ouvert, uniquement dispensés en ligne.

Face à la baisse des ventes de bouteilles de champagne, peut-on envisager une évolution du rendement pour la vendange à venir ?

« Par principe, on ne fait jamais de prévisions. La décision sur le rendement est le résultat d’un long processus de dialogue interprofessionnel. C’est aussi une forme de garantie de la pérennité du système que de ne pas remettre en cause les fondamentaux de son fonctionnement.

Le moment venu, les positions des différents acteurs donneront lieu à une discussion entre Vignerons et Maisons. Cela aboutira à un consensus sur un rendement prenant en compte l’état des stocks, la demande des marchés et les perspectives économiques. Mais tout cela devra être fait en fonction de l’évolution de la situation et au moment opportun ».

"La décision sur le rendement est le résultat d’un long processus de dialogue interprofessionnel".

Vignoble champenois - Comité Champagne
Vignoble Champenois ©Comité Champagne

La filière Champagne peut-elle déjà tirer les premiers enseignements de cette crise ?

« Il est trop tôt pour le dire. Nous sommes encore dans l’adaptation à la crise et la mesure de ses multiples répercussions. Nous devons attendre de voir ses contrecoups. Il serait présomptueux d’avoir une telle vision sur ce que l’on retiendra après, alors que nous vivons encore pleinement l’événement. Évidemment, les repères sont tous perturbés.

En revanche, il y a quelque chose de frappant dans les médias et plusieurs sondages. Certains parlent déjà des attentes des consommateurs pour l’après-crise et évoquent une relocalisation de la production agricole. Pour l’après, cela renforce l’importance de communiquer sur la dimension « Appellation d’Origine Contrôlée » du Champagne. C’est-à-dire un vin authentique, issu d’un terroir spécifique et élaboré avec un savoir-faire reconnu depuis plus de 300 ans. Demain, les Français seront encouragés à passer leurs vacances en France pour soutenir la relance de l’économie française. Au moins, du point de vue du secteur du tourisme.

Je serais tenté de dire qu’on les encouragera à célébrer (avec modération) le retour à la normale avec du champagne afin de soutenir aussi un produit de terroir, local, authentique et surtout non délocalisable ! La situation, aussi dramatique fût-elle, vient pointer du doigt pour le marché français, la pertinence de la proposition « Champagne » dans un contexte socio-culturel qui désignait déjà ces priorités des consommateurs, avec le développement durable en particulier. D’après les sondages, la situation actuelle est en train de renforcer l’attention de la population à consommer français et local, tout particulièrement pour les produits alimentaires ».

Doit-on s’attendre à une évolution des habitudes d’achat et des canaux de distribution pour le Champagne ?

« Assez logiquement, la crise devrait faire basculer une partie des consommateurs hésitants vers l’e-commerce. Cette crise est sans doute un accélérateur. Mais on ne peut faire à ce stade que des suppositions sur l’ampleur de la tendance. Le confinement montre aussi à quel point les relations sociales sont un besoin fondamental.  

Le Champagne est un vin : on le partage. Il est le véhicule d’émotions et on assiste à une amplification du contact direct entre consommateurs et producteurs, marques, influenceurs experts. Ils offrent une possibilité de conversation – « live tastings(2) », e-dégustations, e-masterclasses, etc. – qui, tout en dépassant la relation marchande, valorise celle-ci ».

(2)  Live tasting : dégustation en direct

"Il n’y a pas plus humain et concret que cette relation virtuelle".

« Le confinement force donc à la digitalisation des relations humaines. Mais paradoxalement, la dématérialisation de l’acte d’achat s’accompagne d’une évolution symboliquement inverse dans la relation aux Vignerons et aux Maisons de Champagne. Même digitalisée, celle-ci est plus que jamais spontanée, authentique et en temps réel ; il n’y a pas plus humain et concret que cette relation virtuelle ».

MOOC du Comité Champagne - Agence Discovery
Les MOOC du Comité Champagne ©Tous droits réservés

Dans un communiqué de presse fin mars, les instances champenoises rappelaient les premières mesures prises par le Gouvernement pour la poursuite de l’activité de la filière Champagne : « Soutien des banques pour le paiement aux partenaires vignerons de l’échéance raisins du 5 juin, mise en place de dispositifs d’accompagnement des salariés, adaptation temporaire des dispositions conventionnelles applicables à la Champagne pour la gestion sociale […] »

Pensez-vous que le Gouvernement Français et les instances champenoises pourront mettre en place un plan de soutien pour accompagner la filière et atténuer les conséquences économiques à venir ?

« De nombreuses entreprises de la filière Champagne auront probablement, ou ont déjà besoin d’un soutien des pouvoirs publics. Pour l’instant, les relations avec l’État sont concentrées sur la détermination des moyens permettant d’assurer la continuité de la production dans des conditions satisfaisantes de sécurité pour les personnes. En particulier pour la vendange à venir, puisque celle-ci est 100 % manuelle et requiert environ 120 000 travailleurs saisonniers ».

Vendanges a Epernay dans la Marne
Les vendanges en Champagne ©Comité Champagne

« Le sujet, avant même les aides aux entreprises en difficultés, est de savoir comment continuer de produire le champagne et de le faire en toute sécurité. Viendra le temps des aides et du sauvetage d’une partie de la filière Champagne  ».

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Geoffrey

Geoffrey

Curieux de nature, je me définis comme un slasheur : entrepreneur/brand Manager/coach professionnel. Chaque mois, retrouvez mes articles sur la création de marque et le coaching.

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